Humeur

Après le retour de mon expatriation à Londres

8 juin 2020
retour

Cet article est la suite de celui sur l’échec de mon expatriation à Londres. J’y décris tout simplement mon retour à la vie à active en France.

Retour en France et recherche d’emploi

Le retour a été dur, même très dur. J’ai pourtant essayé de voir les choses du bon côté, d’écouter les personnes de mon entourage qui me disaient « Tu es quand même partie un an à Londres, ça compte sur le CV. » ou encore « Tu as bossé dans des établissements où on n’entre pas si facilement, ce n’est pas rien. ». Cela me redonnait un peu confiance en moi et il est vrai que lors de certains entretiens, on me demandait comment j’avais fait pour bosser dans tel ou tel endroit. Je voyais la curiosité dans le regard des recruteurs, mais ça s’arrêtait-là. Une fois l’entretien passé, une fois l’espoir ancré dans ma poitrine, la claque.

Le refus.

On ne se formalise pas trop au premier refus, mais vient le deuxième, puis le troisième, le quatrième… Et c’est le retour de l’angoisse, l’incertitude, le manque de confiance en moi. Et chez moi le manque de confiance se traduit par une voix doucereuse qui me susurre à l’oreille « Mais tu sais que tu n’es qu’une pauvre petite sous-merdre. Tu es bonne à rien. Tu ne sais rien faire de tes dix doigts. Pourquoi tu t’obstines à chercher du travail, tu le vois bien que personne ne veut de toi. Tu es nulle à chier. »

Puis je pleure. Et quand je ne pleure pas, j’ai mal. A la tête puis au cœur. Parfois les deux en même temps. Les douleurs m’empêchent de dormir, de me lever. Mon médecin me dit que c’est le stress (je le sais, merci !) et me propose des anxiolytiques. Comme je connais les effets des anxiolytiques sur moi pour en avoir pris dix ans plus tôt, je lui ai déjà demandé de me donner de médicaments à base de plantes. Ça me calmait le temps du traitement, mais ça ne règlait pas le problème. Je n’avais pas travail.

Plus le temps passait et plus j’angoissais. Je me disais que quelque chose clochait chez moi pour qu’on ne veuille même pas me voir en entretien quand mon profil correspondait à la PERFECTION au poste à pourvoir. J’avais demandé conseil à un spécialité qui m’avait un jour dit que rien ne clochait dans mon CV. Ça ne m’a pas aidé. Un autre conseiller m’avait dit que mon lieu de résidence pouvait me discréditer. Cela pouvait être pénalisant sur un CV.

Pendant ma recherche d’emploi, j’ai toujours pensé que les RH ne cherchaient pas à embaucher quelqu’un, mais à éliminer quelqu’un du processus de recrutement par n’importe quel moyen. Mettre une photo sur un CV est pénalisant, ne pas en mettre est pénalisant. Je me dis que j’ai de la « chance » dans mon malheur, parce qu’il est impossible de deviner mes origines à mon prénom et mon nom de famille.

Le regard des autres

Dans mon entourage, on me demandait si j’étais inscrite sur tels ou tels sites de recrutement, si je faisais des relances. Et ma réponse était souvent la même : Oui. Parfois on me disait que je ne devais pas montrer que j’étais déprimée, mais motivée.  Sauf que je n’étais pas déprimée, j’étais dépressive. Mais s’il y avait bien une chose que j’avais appris à faire avec les années, mes angoisses et mes périodes de dépression passées, c’est porter un masque et un sourire. Je suis plutôt douée pour sourire et faire comme si tout allait bien. Mais cela peut aussi porter préjudice, parce que j’ai vu avec le temps, dans le regard et les paroles de certaines personnes de mon entourage, qu’ils finissaient par se demander si je cherchais vraiment du travail. Si je ne me complaisais pas dans cette situation.

Mais comment se complaire dans cette situation ? J’avais quitté mon année d’indépendance à l’étranger pour retourner vivre chez mes parents. C’était un retour à la  case départ. Je n’étais pas indépendante financièrement, incapable de faire ce que je voulais sans compter mes sous. Tout ce que je souhaitais, tout ce que je désirais, était de trouver un travail, réussir ma période d’essai et me trouver un appartement pour vivre ma vie !

Mais cela personne ne le voyait, personne ne le savait, parce que je n’en parlais pas. A quoi bon ? Je n’avais pas envie de parler de mon échec supplémentaire, du fait que je sois une moins que rien qui n’arrivait même pas à décrocher ne serait-ce qu’un entretien et qui, quand elle y parvenait, se retrouvait face à quelqu’un qui trouvait son parcours « atypique » (ce qui est loin d’être un compliment).

Mes parents étaient totalement démunis face à la situation. Ils ne savaient pas quoi faire et ne comprenaient pas pourquoi je ne trouvais pas de travail. Ils ont toujours été fiers de moi. De leur petite fille unique, modèle, bonne élève, de temps en temps sur les podiums des meilleures de sa classe, mais qui se retrouvait à presque trente ans, à ramer pour trouver un travail. Ils me soutiennent comme ils le peuvent, c’est à dire avec le cœur.

Et moi j’avais honte. Honte de ne pas être la fille parfaite dont j’aurais voulu qu’ils soient fiers. De ne pas être la fille que je rêvais d’être il y a dix ans, lorsque j’étais en dépression et que je pensais qu’un avenir meilleure m’attendrait quelque part. Mes parents me disent toujours qu’ils sont fiers de moi, mais ça ne change rien. J’avais honte, dix ans plus tard, d’être toujours dans la même situation financière et émotionnelle.

Les échanges avec les recruteurs

J’étais dans une situation où les recruteurs finissaient par me dire que mon profil ne correspondait pas au poste, lorsque je cherchais dans ma branche. Et lorsque je cherchais un job alimentaire, j’étais trop qualifiée pour ça. Je nageais donc entre deux eaux qui n’arrêtaient pas de me submerger. On m’avait également déjà demandé pourquoi je n’avais quasiment fait que des CDD ? Pourquoi mon parcours ne correspondait pas forcément à mes diplômes ? A ça je répondais souvent qu’il fallait bien gagner de l’argent, qu’il fallait bien entrer dans le monde du travail. Lorsque je répondais de cette manière, ça signifiait que j’étais agacée. Je savais que ça ne jouait pas en ma faveur.

Mais j’ai parfois l’impression que peu importe ce qu’on fait, si le chômeur ne trouve pas de travail, s’il est dans une situation de précarité, d’instabilité et au fond du gouffre, c’est de sa faute. Alors que non.

Quand on postule à une offre en CDI et qu’en retour on vous dit au téléphone qu’en réalité le poste est un CDD d’un mois de remplacement sans renouvellement, ce n’est pas de la faute du demandeur d’emploi. (True story).

Quand on est contacté par un recruteur qui vous demande si vous êtes intéressé par un job qui correspond pile à votre profil, que vous dites oui, que vous êtes prêt à prendre rendez-vous, à envoyer un CV à faire toutes les démarches nécessaires pour enclencher le processus de recrutement, mais que vous n’avez aucune réponse après ça malgré relance, pour qu’on vous contacte trois semaines plus tard pour vous dire que le poste est pourvu mais « merci d’avoir accordé de l’intérêt pour cette offre », non, ce n’est pas de la faute du demandeur d’emploi.

Quand on est contacté par un recruteur qui est intéressé par votre CV, qui vous envoie un test à faire, que vous passez des heures à faire ce test, à le peaufiner, à le perfectionner pour qu’on puisse ensuite vous recontacter pour un entretien, que vous envoyez le test, que vous n’avez aucun retour, que vous envoyez des relances et qu’enfin au bout de trois semaines, après relance on vous dit qu’un employé en interne va finalement prendre le poste, mais « votre test était vraiment incroyable », non, ce n’est pas de la faute du demandeur d’emploi.

Le manque de Londres

Avec tout ça arrive le manque de Londres. Ce manque est arrivé d’un coup, plusieurs mois plus tard. J’ai commencé à penser à mon quartier, mon appartement, les promenades que je faisais… Ce manque a été assez compliqué à gérer en plus de cette recherche d’emploi qui ne menait nulle part. Mais une chose m’a permis de relativiser : Londres et la vie là-bas avaient beau me manquer, à aucun moment je n’avais regretté mon retour en France. A aucun moment, une fois ma décision prise, j’ai eu peur que ce soit le mauvais choix, car je savais que quoi que je décide, ce serait forcément le mauvais choix. Je n’avais donc aucun regret. Puis petit à petit, mon manque de Londres s’est estompé, mais mon angoisse d’être encore au chômage était toujours là.

Je m’arrête là pour cette deuxième partie loin d’être joyeuse, je le conçois. Une troisième partie arrivera, car il faut tout de même que tout cela se termine sur une note moins dramatique.

Je serai tout de même curieuse de savoir s’il y a des personnes parmi les lecteurs, qui ont eu ou ont toujours, beaucoup de problèmes à trouver un emploi pour cause de parcours atypique ou parce qu’elles sont tombées sur des recruteurs un peu spéciaux ou tout simplement parce qu’on ne répondait pas à leur profile pourtant fort intéressant après envoie du CV.

A bientôt.


Partie 1 : Comment j’ai raté mon expatriation
Partie 3 : L’échec n’est jamais la fin

 

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16 Commentaires

  • Répondre Chloé 8 juin 2020 at 9 h 17 min

    Même sans avoir connu ce genre de situation, j’imagine combien cela peut être difficile ! Contrairement à toi je n’ai pas ce qu’on appelle un parcours « atypique » et pourtant trouver ma voie m’a tout de même demandé patience et remises en question. Courage !

    • Répondre Priscilla 9 juin 2020 at 19 h 35 min

      Ce n’est pas évident de vivre cette période et la remise en question est constante. On ne s’arrête jamais de se poser des questions lorsqu’on reçoit refus sur refus.

  • Répondre Morgane 8 juin 2020 at 10 h 24 min

    Je me réjouis de lire la suite de tes aventures pour voir comment tu as surmonter toutes ces épreuves et ces remises en question !

    • Répondre Priscilla 9 juin 2020 at 19 h 37 min

      Merci pour ton commentaire. La troisième partie arrivera le plus rapidement possible. Ce n’est pas évident d’écrire ce genre de souvenir. Ca prend un peu de temps et ça prend pas mal de force émotionnelle.

  • Répondre Sandra 8 juin 2020 at 10 h 42 min

    Merci de partager cette expérience de ma recherche d’emploi. Je pense que ça aidera beaucoup à se sentir moins seul. Quelle est dure ta petite voix. J’ai hâte de lire la suite et de voir comment tu as su rebondir

    • Répondre Priscilla 9 juin 2020 at 19 h 45 min

      Si ça permet à d’autres de se sentir moins seule dans cette longue recherche d’emploi, j’en suis ravie. Moi-même, je me sentais seule et incomprise dans la recherche d’emploi. Et entre les refus, l’échec, le regard des autres et la honte, surmonter cette période est vraiment difficile.

  • Répondre 3 kleine grenouilles 9 juin 2020 at 10 h 25 min

    Un ami a eu aussi une longue période de recherche d’emploi alors qu’il était très diplômé et avait des premières expériences professionnelles intéressantes mais courtes car il avait eu envie de découvrir différentes boîtes avant de se poser et avait plutôt privilégié les CDD. Résultat : on lui a reproché d’être instable. Il a élargi sa recherche d’emploi et est parti en expatriation en Allemagne où il a trouvé un poste intéressant.
    J’ai hâte de lire le prochain épisode. 😉
    Catherine

    • Répondre Priscilla 9 juin 2020 at 19 h 50 min

      Il y a un certain paradoxe avec les recruteurs, je trouve. Ils cherchent littéralement le mouton à cinq pattes : jeune diplômé avec 10 ans d’expérience, polyvalent et bien sûr rémunéré comme un stagiaire. Avoir fait plusieurs entreprises, montre que l’on connait divers environnements, que ce soit en CDI ou CDD, mais non. On parle d’instabilité. Je suis contente pour ton ami s’il a pu trouver quelque chose qui lui convienne en Allemagne. Et quelque part je trouve ça triste qu’il faille quitter le pays pour trouver le job qu’on souhaite (quand l’expatriation n’était pas la première option souhaitée). Merci pour ton commentaire 🙂

  • Répondre Géraldine 9 juin 2020 at 11 h 52 min

    J’aime beaucoup ton écriture très touchante. Bon courage pour tes recherches ! J’ai mon frère qui a lui aussi un parcours atypique, cela faisait quelques mois qu’il était en recherche de travail. Mais il a fini par obtenir un entretien !
    Je m’identifie beaucoup à ce que tu dis avec le masque et le sourire. Je ne connais pas encore bien le monde du travail mais tout cela pour dire, continue à postuler, tu n’y perds rien. Toutes ces préparations, ne te rendront que plus préparée pour les prochains postes 🙂
    Bon courage !

    • Répondre Priscilla 9 juin 2020 at 19 h 56 min

      Merci beaucoup pour ton commentaire.
      L’entretien est une première étape encourageante. J’espère que cela aboutira à quelque chose de positif pour lui. Je ne souhaite à personne de vivre une recherche d’emploi aussi longue (la mienne a duré 18 mois, à 2 reprises). C’est un enfer, mais lorsque les choses commencent à s’arranger, tout le stress accumulé, finit par s’en aller. Pas immédiatement, mais progressivement, nous nous sentons plus léger.

  • Répondre Alice 10 juin 2020 at 16 h 39 min

    J’ai eu un peu ce soucis au moment de chercher mon premier emploi. Souvent, je passais tous les entretiens, un par un jusqu’au dernier, puis on finissait par me dire qu’ils avaient préféré prendre quelqu’un avec plus d’expérience. Que mon CV était très bien et qu’ils avaient appréciés nos échanges mais que… je manquais d’expérience. Je me rappelle la frustration, ils n’avaient rien à me reprocher autre le fait que j’étais « juste » une jeune diplomée. Et qu’est-ce qu’on fait dans ce cas là ? Tant qu’une entreprise ne veut pas prendre le « risque » de vous embaucher, vous ne pouvez pas gagner en expériences… Et je n’ai même pas un parcours atypique… Je suis juste dans une branche concurentielle.
    Heureusement, j’ai fini par trouver un emploi, après quelques mois de recherches. Parfois, ça marche de serrer les dents et de continuer d’y croire, mais je ne compte pas les nuits où je me suis réveillée en panique à checker désespéremment si je pouvais pas postuler à une autre offre. J’espère que maintenant, 2 ans plus tard, les choses seront un peu moins compliquées !

    • Répondre Priscilla 10 juin 2020 at 18 h 07 min

      J’ai vécu exactement ce que tu es en train de décrire. La même chose. C’est un peu le serpent qui se mord la queue. On ne peut avoir de l’expérience qu’en étant embauché, mais personne ne veut embaucher les personnes qui n’ont pas d’expérience. C’est à n’y rien comprendre. J’ai beaucoup entendu dire qu’il fallait s’accrocher, ne pas baisser les bras, continuer d’y croire. Mais la vérité, c’est qu’on n’a pas le choix. Il faut travailler, c’est un besoin sociétal, c’est une nécessité. Lorsqu’on n’a pas de travail dans notre société, nous ne sommes rien, donc on n’a pas d’autre choix que de s’accrocher, encore et encore jusqu’à ne plus être au chômage.

  • Répondre Sophie 10 juin 2020 at 18 h 22 min

    Je me suis reconnue dans ton texte…fille unique, pression des parents qui même s’ils ne s’en aperçoivent pas nous mettent la pression pour qu’on réussisse, qu’on soit la meilleure. J’ai aussi galérer pour trouver mon premier emploi. Sauf que pour moi c’était les concours de la fonction publique…échecs sur échecs et le doute qui s’installe. Finalement j’ai réussi mais est ce que je suis heureuse dans ce travail je ne suis pas sûr. Mes parents sont rassurés mais moi dans tout ça ? Je m évade dans les voyages mais comme toi j’ai le masque. Oui tout va bien devant les autres, mais à l’intérieur ce n’est pas pareil… courage à toi, tu n’es pas seule.

    • Répondre Priscilla 10 juin 2020 at 20 h 55 min

      Je comprends totalement. C’est rassurant de voir que nous ne sommes pas seuls dans cette situation. Merci pour ton commentaire 🙂

  • Répondre Mélo 10 juin 2020 at 19 h 27 min

    Hâte de lire la 3ème partie !!! Je suis en plein dedans … C’est dur dur … Mais il faut garder la motivation et la tête haute 🙂

    • Répondre Priscilla 10 juin 2020 at 20 h 57 min

      Il faut faire de son mieux pour garder la tête hors de l’eau, mais ce n’est pas facile tous les jours. Je tenterai de mettre la partie 3 le plus rapidement possible.

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